Une
semaine en Haute Tarentaise
Jullet 2000 |
Cela faisait bien longtemps que ça
me chatouillait.
Après avoir exploré
de nombreux sites à Orchidées en Normandie, quelques autres
dans le Var, voire dans le Morbihan, l'envie devenait pressente d'aller
découvrir les espèces alpines.
Malheureusement ma femme ne partage en rien ma passion pour ces plantes merveilleuses (pas plus que pour mes poissons favoris d'ailleurs !) et son goût pour la mer est au moins égal à son aversion pour la montagne ! Donc pas question d'y aller en vacances. Du moins en famille ! Malgré tout sa très grande compréhension lui a permis de m'autoriser à effectuer seul un séjour d'une semaine en Haute-Tarentaise au début du mois de juillet 2000. J'avais réservé un séjour en demi-pension dans un charmant village proche de La Plagne, Montchavin. Le village est magnifique, sa restauration certainement récente a été faite en gardant toute la beauté des villages alpins. Pas de grande barre d'immeuble mais des maisons de bois simples comme savaient les faire les "anciens". Le calme et la sérénité règnent ici en ce début de saison estivale. Samedi 1er Juillet 2000 : Parti de Rouen à 12 h, j'arrive à Montchavin à 19h30. Je suis accueilli à l'hôtel Bellecôte (pourquoi ne pas lui faire de pub ?) avec beaucoup de gentillesse, le repas est prêt, de ma table je vois le Mont-Blanc, le col de Petit Saint Bernard. Que c'est beau ! Nous ne sommes que sept résidants pour cette première semaine du mois. Nous serons choyés pendant tout ce temps, patronne et employés n'étant pas débordés par le travail. De vraies vacances. Après le repas, je pars me dégourdir les jambes. Les gentianes jaunes sont énormes, je vois déjà quelques Orchidées, défleuries. La montagne est belle, l'air pur, l'eau des sources bien fraîche. Dimanche 2 juillet Quand on recherche des Orchidées,
" vacances " ne signifie pas " grasse matinée ". A 8 heures, je
suis devant ma tasse de café, à 8h20 je monte dans la voiture.
Il n'est pas question de partir à l'aventure. Je me suis renseigné
auprès des membres de la SFO de Normandie et j'ai obtenu quelques
adresses indispensables. Georgette m'avait donné une bonne adresse
à Courchevel en me précisant d'y aller dès le début
du séjour, sous peine de ne rien trouver. Le tout premier objectif
est de voir l'Orchidée mythique : le Sabot de Venus (Cypripedium
calceolus). Les renseignements sont assez précis et je ne devrais
pas avoir de mal à trouver. Sur le bord de la route les premières
Gymnadenia
conopsea font leur apparition, c'est certainement l'espèce la
plus fréquente.
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Le chemin continue. Enfin arrivé
en bas, le lac se dévoile, magnifiquement beau, magnifiquement bleu
sertis de son écrin de verdure et de falaises abruptes. Un ruisseau
s'y jette, zone humide, des fleurs bleues, oui bien sûr, des Orchidées,
Dactylorhiza
alpestris. Il y a aussi des linaigrettes agitant leurs filaments de
coton au gré du vent. Puis, aussi quelques
Pinguicula, petites
plantes carnivores.
Un parking !!! Il était donc possible de descendre en voiture !! Non, je ne regrette pas, c'est si beau et la voiture est si anachronique dans ce paysage de rêve. |
Un panneau "sentier botanique". J'ai trouvé,
c'est là que je dois aller. Un petit chemin serpente dans la forêt.
Soudain, face à moi, IL est là : LE SABOT DE VENUS. Au bord
du chemin une tige porte deux fleurs majestueuses. J'en ai les larmes aux
yeux de voir une telle beauté. Je rêvais depuis si longtemps
de la voir. Elle est si belle que je n'ose y toucher de peur de l'abîmer.
Cette fleur est la beauté, la grâce et la majesté personnifiées.
Je continue le chemin, quelques Epipactis atrorubens en boutons font leur apparition, Les Neottia nidus-avis sont en grand nombre. Il y a aussi de très belles céphalanthères rouges (Cephalanthera rubra) et des Ancolies magnifiques. Je trouve encore de nombreux Cypripedium dont des touffes comptant de 10 à 15 fleurs. J'estime que 80 à 90 % des fleurs sont fanées. Il était temps, à quelques jours près je ne trouvais rien. Je retrouve le ruisseau puis le lac, là je vois encore de nombreuses Dactylorhiza (D. angustata ?) et découvre qu'il me sera bien difficile d'identifier ces espèces. Je décide de remonter en prenant la "route" des voitures. Sac à dos chargé, il fait chaud. Quelques cons dans leurs engins puant me narguent "allez, il faut monter maintenant"… CON******) M'en fous. J'ai faim, je crève de chaud, j'ai soif mais là au bord de la route il y a Dactylorhiza traunsteineri, T. globosa, Platanthera bifolia, le Lys Martagon et tant de belles autres plantes…. Peuvent y aller avec leurs bagnoles, verront jamais ça…. J'arrive à la voiture, il faut trouver à manger…… !!! Désert Courchevel le 2 juillet ! Pizzeria, bon, ça fera l'affaire Après une pizza et une bonne bière (non, on ne se refait pas !), direction pifométrique : Altiport de Courchevel. L'objectif de la journée étant atteint, tous ce qui sera vu ne sera que bonus. Arrivé là-haut, j'imagine ce que ça doit être en plein hiver : des pistes de ski surpeuplées. Là, pas un chien… rien… Je pose la voiture et marche. Les premières Nigritelles sont là (N. austriaca ? ) ; leur odeur de vanille est enivrante. Je découvre encore des D. alpestris puis, au milieu des Rhododendrons en fleurs mes premières Pseudorchis albida. La variété des fleurs est immense. C'est beau, simplement beau. Début du retour, pause au bord d'un petit ruisseau… prendre un bain pour se détendre… pas chaude la flotte… Quelques très belles Dactylorhiza fuchsii. Je rentre vers Montchavin, détour par Bourg St-maurice, coopérative laitière : Beaufort d'été et Tomme fermière : 500 grammes (au moins !) de chaque. Ca me fera mes repas du midi jusqu'à la fin de la semaine. Délice. Avant Montchavin je vais vers Rosuel. Magnifique. Quelques Dactylorhiza alpestris. Je marche un peu… très peu… je suis épuisé.. retour. Repas, DODO Lundi 3 Juillet
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J'arrive dans la vallée des glaciers
et trouve tout au bout le site indiqué. Pas de Nigritelles mais
beaucoup de Dacthylorhiza pas faciles à déterminer,
sans doute alpestris.
Je reviens un peu sur mes pas vers le refuge de Seloge Un site me semble intéressant, je commence l'ascension. Je ne vais pas le regretter : Rhododendrons en fleurs, Pseudorchis, Nigritella ? austriaca, Traunsteinera globosa et l'Orchis grenouille (Coeloglossum viride) d'une magnifique couleur rouge. A flanc de montagne une zone humide me fait découvrir de nouvelles Dactylorhiza (D. laponica ????) . Un peu plus loin : Orchis ustulataetGymnadenia odoratissima me tendent les bras. |
Repas : pain, tranche de jambon et mes
deux fromages, tranquillement assis admiratif devant cette nature vierge.
Je repars en direction du Cormet de Roselend. La route est belle, magnifiquement belle. Quelques arrêts au bord de la route me font découvrir encore des D. alpestris. Lac de Roselend, c'est beau. Je vais jusqu'au lac de la Gittaz, là je trouve une immense tourbière pleine de linaigrettes, D. alpestris et quelques rares pieds de D. incarnata. Retour vers Roselend. Arrêt buvette, je crève de chaud une petite mousse s'impose. De l'autre côté de la route, face au bar, le talus est tapissé de Pinguicula, Orchis ustulata, Gymnadenia conopsea!!! Je continue la route du retour. Arrêt au Plan de Lai. Je commence à marcher. Soudain un cri strident retentit dans la montagne. Comme un aboiement aigu. Ma première marmotte !!! Adorable. Plus loin je verrai encore quelques Nigritelles. Je rentre. Epuisé, douche, repas… Dormir, vite !!!! Mardi 4 juillet :
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Je reviens côté français
et m'arrête à la station de la Rosière. Quelques D.
sambucina fanées. En contrebas de la route je vois à
la jumelle des Orchidées et linaigrettes. Je descends. Je trouve
encore des Gymnadenia, Nigritelles, et des Dactylorhiza
indéterminées
(proche de D. traunsteineri) dont un pied albinos. Je trouve également
des
Pinguicula
en fleurs.
Un peu plus haut je parcours à pied quelques pistes de ski ; Gymnadenia et Pseudorchis y poussent en abondance ; j'imagine les skieurs déboulant là pendant toute la saison hivernale. Pause. Petite mousse bien fraîche.
Retour, douche, repas, dodo… télé superflue !! |
Mercredi 5 juillet :
Georgette des Andelys m'a indiqué
un site où il est possible de trouver Chamorchis alpina tout
en me précisant que la date de mon séjour est vraiment hâtive,
l'espèce n'étant pas en fleurs avant le 15 juillet. Pourquoi
se priver d'une ballade ? L'objectif de la journée est donc la réserve
Naturelle de la Grande Sassière entre Tignes et Val d'Isère.
Je trouve facilement la route et me gare au lieu dit "Le Saut" à
l'entrée de la réserve.
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Près du parking je découvre
un site magnifique où se côtoient plusieurs espèces
d'Orchidées en pleine floraison : Nigritelles, Gymnadenia,
Pseudorchis,
Coeloglossum.
Repas dans un décor somptueux. Je reprends la route : Val d'Isère, route des Manchets : Dactylorhiza au bord de la route. Au fond de la vallée je grimpe à pied. Quelques nigritelles. Des marmottes se laissent approcher à quelques mètres, je suis au bord du parc de la Vanoise. Route… Col de l'Iseran. Là haut
à 2700 mètres, le vent souffle, il fait froid. Pas d'Orchidée.
D'ailleurs c'est plutôt "relativement" désertique malgré
la présence de quelques jolies fleurs d'altitude dont de nombreuses
joubardes que je regretterai plus tard de n'avoir pas photographiées
davantage. Un peu plus bas, vers 2500 m, je trouve des Nigritelles.
Retour. Route magnifique, je vois Gymnadenia conopsea var. densiflora. Détour par Tignes. A EVITER !! L'horreur absolue, l'holotype de ce qu'il ne faut pas faire, l'art et la manière de détruire la Nature ! Je trouve des D. alpestris et un pied albinos de Gymnadenia conopsea. Vers le retour je m'arrête vers la petite station de Ste Foy : D. fuchsii en bord de route et quelques Epipactis helleborine en boutons dans le sous-bois Retour Montchavin par Bourg St Maurice : TRES GROSSE BIERE, très méritée. Douche, repas… ça existe la télé ?? dodo ………
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Jeudi 6 juillet. J'ai "épuisé" tous les sites
que l'on m'avait recommandés. Il faut aller à l'aventure.
Au-dessus de Aime une petite vallée mène vers le Cormet d'Arêches. Ce sera l'objectif de la matinée. La route monte dans la vallée, étroite ; les D. fuchsii sont légion sur le talus. Soudain la route se transforme en chemin caillouteux. Ma voiture des villes ne va pas dans les chemins des champs. Arrêt.. sac à dos… je marche. Je vois des Dactylorhiza : beaucoup de fuchsii et peut être D. sudetica. Un petit chemin monte vers un lac… je grimpe… je grimpe…. Je grimpe… Toujours des fuchsii et aussi de nombreux T. globosa. Ce chemin n'en finit pas de monter. |
Un superbe Lys Martagon me permet de me
reposer un peu. Cela grimpe toujours…. Et j'ai laissé l'eau et les
fromages dans la voiture… celle qui est toute petite en bas dans la vallée
!!! L'eau fraîche d'un petit ruisseau me désaltère.
Retour à l'hôtel.J'arrive au lac, ce n'est plus qu'une petite tourbière. Je monte encore. Tout en haut une petite mare est remplie de têtards. Ils n'en ont plus pour longtemps, la mare est presque à sec. Enfin, j'arrive en haut. Quelques Nigritelles. La vue est magnifique : le col des Saisies, la chaîne des Aravis. Je pourrais continuer vers le Cormet d'Arêches pour redescendre par la "route" mais il fait trop soif, trop faim. Retour à la voiture. Je mange tranquillement, les pieds dans un ruisseau entouré d'une multitude de fleurs et de papillons. Après ce repos bien mérité, je décide de traverser la Tarentaise pour aller vers La Plagne. Dans ma descente vers la vallée, je m'arrête dans la forêt pour chercher des Epipactis. Je trouve deux espèces en boutons : E. helleborine et, peut-être, E. distans J'arrive à la station, gigantesque amas de béton entrecoupé de pistes dénudées. L'horreur ! L'ensemble de la station est constitué de plusieurs groupements disséminés dans la montagne. Je prends la direction de La Plagne-Village. Tu parles d'un "village"… Je décide de monter quelques pistes à pied. Rapidement je trouve de nombreuses Gymnadenia conopsea, Nigritella rhellicani et Traunsteinera globosa. Contrairement à de nombreux autres sites les populations semblent bien occuper les mêmes zones et sont en très grand nombre. Je parcours un immense amas de roches formant un micro massif montagneux, c'est étonnant (une moraine glacière peut-être). Les fleurs y sont nombreuses, particulièrement les gentianes. Le site semble propice pour la recherche de l'hybride entre les Nigritelles et Gymnadénies. Effectivement, une fleur me saute soudain à l'œil par sa couleur différente. C'est bien l'hybride, en tout début de floraison. Les deux parents sont juste à côté. Je suis ravi. J'ai bien mérité une petite bière bien fraîche !! |
Vendredi 7 juillet :
Je décide de retourner vers la
Vallée des Glaciers et le Cormet de Roselend.
Aux Glaciers, les Nigritelles que je voulais
identifier avec davantage de précision ont été broutées
par les vaches. De l'autre côté de la vallée, une marmotte
hurle sans cesse. Avec les jumelles, je repère un renard qui a repéré
la marmotte…Nature implacable
Dans la montée vers Roselend je dois arrêter la voiture pour laisser passer deux marmottes. Le Plan de la Lai a déjà été exploré dans sa partie nord. Je vais donc explorer la partie sud. Je trouve une zone remarquable où les roches calcaires ont été ravinées par l'eau de pluie, formant des sillons plus ou moins profonds. Ce paysage n'est pas sans me rappeler les magnifiques paysages irlandais du Burren. En contrebas des ruisseaux s'enfoncent dans des petits gouffres sans fond. Plus haut une grande tourbière est couverte de D. alpestris et linaigrettes. Un peu plus loin je me repose 10 minutes pour observer le lac de Roselend que je domine. Merveilleux paysage |
Vers le retour j'arrête la voiture
au col. Sur le bord de la route un bouquet de Pseudorchis albida
a été jeté par ceux qui les ont cueillies ! Je prends
un petit chemin à pied. Les zones humides regorgent de Dactylorhiza.
Je trouve D. alpestris,
D. traunsteineri, D. incarnata (var.
reichenbachii
??) ainsi qu'un hybride évident entre
incarnata
et
alpestris.
Enfin je trouve une population complète difficile à identifier, certainement d'origine hybridogène. Je les appelle Dactylorhiza sp "Roselend" ! Je rentre à l'hotel non sans avoir dégusté ma bière journalière au Plan de la Lai (je vous déconseille, il n'en ont pas " à la pression" !) Mon séjour est terminé. Il me faudra demain retrouver la Normandie. Ma tête est pleine de souvenirs et d'une certitude : j'y retournerai …. Mon seul regret est de ne pas avoir de connaissances botaniques suffisantes pour pouvoir identifier toutes les fleurs observées... il faudra combler cette lacune lors du prochain séjour. Vous ai-je fait partager ma passion pour ces plantes merveilleuses ? Si oui, contentez vous de les observer, de les photographier. Ne les cueillez pas. Elles sont très bien là où elles poussent. |